Conseil 20182915 Séance du 13/09/2018

Caractère communicable, à certaines autorités françaises et européennes, à savoir la Commission interministérielle de coordination des contrôles, la Direction de la transformation numérique et citoyenne du Conseil Régional Val de Loire, la Commission européenne, la Cour des comptes européenne ou française, chargées du contrôle de l'utilisation des fonds européens, des bulletins de paie, des contrats de travail, des fiches de postes ou lettres de mission, des fiches de temps passés ou extrait du logiciel de suivi du temps passé concernant les employés rémunérés sur la base de financements européens ; la communication doit-elle s'effectuer sous réserve des secrets protégés par la loi ; les mêmes questions se posent pour les emplois financés par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 13 septembre 2018 votre demande de conseil relative au caractère communicable à certaines autorités françaises et européennes chargées du contrôle de l'utilisation des fonds européens (la Commission interministérielle de coordination des contrôles, la Direction de la transformation numérique et citoyenne du Conseil Régional Val de Loire, la Commission européenne, la Cour des comptes européenne ou française) des bulletins de paie, des contrats de travail, des fiches de postes ou lettres de mission, des fiches de temps passés ou extraits du logiciel de suivi du temps passé concernant les agents rémunérés sur la base de financements européens. Votre demande de conseil porte également sur le caractère communicable des mêmes documents s'agissant des emplois financés par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. La commission relève, à titre liminaire, que vous l'interrogez sur la conciliation du droit d’accès aux documents administratifs avec l’obligation faite aux administrations de veiller à la protection des données personnelles que ceux-ci sont susceptibles de contenir conformément au règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit règlement général sur la protection des données « RGPD »). En effet, la consultation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition portant sur des données à caractère personnel constituent un traitement de données au sens de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (« loi CNIL ») et de l’article 4 du RGPD. Une administration répondant à une demande d’accès à un document administratif contenant des données de cette nature doit ainsi être regardée comme un responsable de traitement. Ainsi que la CNIL vous l'a précisé, l'administration est toutefois dispensée de requérir, avant toute communication ou publication, le consentement préalable des personnes concernées, en principe exigé par l'article 7 de la loi CNIL et à l'article 6 du RGPD, dès lors qu'il s'agit, pour elle, de respecter l'obligation légale de procéder à la communication de documents administratifs découlant du livre III du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) ou, le cas échéant, d'autres dispositions législatives particulières, telles que, par exemple, l'article L2121-26 du code de général des collectivités territoriales. Ceci étant posé, l'entrée en vigueur du RGPD n'a pas entraîné de modification des dispositions du CRPA relatives au droit d'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 86 du RGPD aux termes duquel : « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement. ». La communication de documents administratifs doit donc respecter les règles issues du livre III du CRPA et le cas échéant d'autres dispositions législatives ou réglementaires particulières. En l'espèce, la commission rappelle que le livre III du CRPA n'a pas vocation à régir la transmission de documents à des autorités administratives de contrôle lorsque des textes relatifs à ces autorités et à leurs missions organisent au profit de celles-ci un régime particulier de communication qui leur est plus favorable. A cet égard, la commission rappelle, en premier lieu, que la communication à la Cour des comptes française ou à la Cour des comptes européenne des pièces évoquées dans votre demande relève, respectivement de l’article L141-5 du code des juridictions financières et de l’article 287 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qu'elle n'est pas compétente pour interpréter. La commission rappelle, en deuxième lieu, en ce qui concerne l’organisation nationale et locale de l’utilisation des fonds européens, notamment du fonds européen de développement régional, du fonds social européen ou du fonds européen agricole pour le développement rural, qu’un mécanisme de contrôle global est organisé par le règlement (UE) 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 qui distingue les fonctions d’autorités de gestion, de certification et d’audit, cette dernière fonction étant assumée en France par la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) créée par le décret n° 2008-548 du 11 juin 2008. La commission considère que, dans ce cadre, la transmission de documents entre les administrations bénéficiaires de fonds européens et ces autorités ne relève pas du livre III du CRPA. S'agissant de la communication à la direction de la transformation numérique et citoyenne du conseil régional, la commission considère, en troisième lieu, que le livre III du CRPA n'a pas non plus vocation à régir la communication de documents administratifs entre les services relevant d'une seule et même administration. En ce qui concerne les emplois financés par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), la commission relève que cet établissement public administratif, créé par l'article L323-8-6-1 du code du travail, est chargé « de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des trois fonctions publiques, ainsi que la formation et l'information des agents en prise avec elles. Il assure le financement et la mise en œuvre des parcours de formation professionnelle préqualifiante et certifiante des demandeurs d'emploi handicapés qui sont recrutés dans la fonction publique. » Les employeurs publics peuvent bénéficier de ce fonds de concours afin de financer les actions visées à l'article 3 du décret n° 2006-501 du 3 mai 2006 telles que des aménagements des postes de travail, des rémunérations versées aux agents chargés d'accompagner une personne handicapée dans l'exercice de ses fonctions professionnelles ou encore des aides versées par les employeurs publics afin d'améliorer les conditions de vie des travailleurs handicapés qu'ils emploient et destinées à faciliter leur insertion professionnelle. Ce fonds est financé par la contribution annuelle que versent les employeurs lorsqu'ils veulent s'acquitter de l'obligation d'emploi instituée par l'article L323-2 du code du travail, en vertu duquel tout employeur doit en principe employer, dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés. La commission relève que si l'article 7 du décret du 3 mai 2006, qu'elle n'est pas compétente pour interpréter, prévoit que la Caisse des dépôts et consignation, qui est le gestionnaire administratif de ce fonds, peut, au titre de sa mission de contrôle prévue au 4° de l'article 26, demander aux employeurs tous les éléments justificatifs permettant de vérifier la déclaration qu'ils déposent chaque année auprès du comptable public afin d'accompagner le paiement de leur contribution, aucune disposition du code du travail ou de ce décret n'organise le contrôle par le gestionnaire administratif du FIPHFP des financements accordés. La commission estime que, dans ces conditions, la communication des documents administratifs à cet établissement public doit être regardée comme relevant du livre III du CRPA, auquel renvoie le I de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique qui dispose que : « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration (...), les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. » La commission estime en conséquence que les fiches de salaire des agents publics dont les postes sont financés par le FIPHFP constituent des documents administratifs communicables pour les composantes fixes de ceux-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime en revanche que la protection, par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, de la vie privée des agents publics impose que des aménagements soient apportés. Ainsi, s'agissant des éléments de rémunération, la commission est défavorable à la communication des informations liées, soit à la situation familiale et personnelle (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement), ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en va de même, pour le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. Elle précise que lorsque la rémunération qui figure dans le contrat de travail de l'agent ou sur ses bulletins de salaires résulte de l'application des règles régissant l'emploi en cause, sa communication n'est pas susceptible de révéler une appréciation ou un jugement de valeur, au sens de ces dispositions. En revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans être déterminée par de telles règles, elle révèle nécessairement une appréciation et un jugement de valeur portés sur la personne recrutée. La communication de ces documents ne peut, dans ce cas, intervenir qu'après occultation des éléments relatifs à la rémunération (CE, 24 avril 2013, Syndicat CFDT Culture, n° 343024). S'agissant des fiches de temps passé ou extrait du logiciel de suivi du temps consacré par ces agents, la commission estime que de telles informations sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée des agents concernés et ne sont donc, en application de l'article L311-6 du CRPA, communicables qu'aux intéressés. Les contrats de travail d'agents publics sont communicables à des tiers, sous réserve de l'occultation préalable des mentions couvertes par le secret de la vie privée de ces personnes telles que, par exemple, leur date de naissance et leurs coordonnées personnelles. Il résulte de ce qui précède que la demande pourra être satisfaite par la communication : - soit des documents non anonymisés, sous réserve de l'occultation des mentions protégées par les dispositions de l'article L311-6 du CRPA ; - soit des documents totalement anonymisés : dans ce cas, les autres mentions protégées par les dispositions de l'article L311-6 du CRPA n'auront pas à être occultées. Les fiches de postes ou lettres de mission sont quant à elles communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.