Conseil 20181052 Séance du 14/06/2018

Caractère communicable, à une conseillère municipale, des documents suivants relatifs à un aménagement réalisé par une société à la demandé par l'ancien maire d'Hénin-Beaumont, pour lequel une demande de référé a été déposé auprès du tribunal administratif de Lille : 1) le courrier de l'entreprise adressé à l'ancien maire dont le contenu fait apparaître une suspicion de favoritisme ; 2) la note établie à l'époque par un conseiller municipal mettant en garde l'ancien maire sur cette affaire ; 3) le contrat liant la commune à l'assistant à maitrise d'ouvrage en charge de cet aménagement ; 4) le contrat liant la commune à la société ayant réalisé cet aménagement ; 5) le rapport d'analyses mettant en cause l'innocuité des matériaux utilisés pour cet aménagement ; 6) la requête de la commune saisissant le juge des référés du tribunal administratif de Lille ; 7) le rapport provisoire de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lille ; 8) les plaintes déposées par la ville dans cette affaire.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 14 juin 2018 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à une conseillère municipale, des documents suivants relatifs à un aménagement réalisé par une société à la demande de l'ancien maire d'Hénin-Beaumont, pour lequel une demande de référé a été déposée auprès du tribunal administratif de Lille : 1) le courrier de l'entreprise adressé à l'ancien maire dont le contenu fait apparaître une suspicion de favoritisme ; 2) la note établie à l'époque par un conseiller municipal mettant en garde l'ancien maire sur cette affaire ; 3) le contrat liant la commune à l'assistant à maitrise d'ouvrage en charge de cet aménagement ; 4) le contrat liant la commune à la société ayant réalisé cet aménagement ; 5) le rapport d'analyses mettant en cause l'innocuité des matériaux utilisés pour cet aménagement ; 6) la requête de la commune saisissant le juge des référés du tribunal administratif de Lille ; 7) le rapport provisoire de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lille ; 8) les plaintes déposées par la ville dans cette affaire. A titre liminaire, la commission rappelle que les droits d'information attachés à la qualité de conseiller municipal relèvent de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient. En premier lieu, à propos des documents mentionnés aux points 6), 7) et 8), la commission rappelle que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est à dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, Mme X). La commission, qui a pris connaissance des documents évoqués, considère que ces documents ne sont pas des documents administratifs mais des documents juridictionnels. Elle ne peut donc que vous rappeler que les dispositions du code des relations entre le public et l'administration qui permettent de déterminer si un document administratif est ou non communicable, ne sont pas applicables en l’espèce. En deuxième lieu, la commission rappelle que, dans sa décision du 21 octobre 2016 n° 380504, le Conseil d'État a jugé qu'eu égard à l’exigence de transparence imposée aux personnes visées à l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance ne fait pas obstacle à la communication de ces documents. Dès lors qu’un document administratif a été transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité. S’agissant du document mentionné au point 1), la commission précise qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’hypothèse dans laquelle un document permettra d’identifier et de qualifier une infraction pénale. En revanche, compte-tenu de ce qui précède et dans la mesure où la commission comprend que ce document est une pièce transmise à l’appui des plaintes mentionnées au point 8), elle vous invite à prendre en considération les suites données à ces plaintes ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité. S’agissant du document mentionné au point 2), la commission qui n’a pas pu prendre connaissance de ce document, ne peut donc apprécier le sens exact de la mise en garde à laquelle il est fait référence. Elle précise cependant qu’à la condition, d’une part, que ce document soit en possession de la commune et sous les réserves, d’autre part, énoncées précédemment à propos de son utilisation éventuelle dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, ce document constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration après occultation, le cas échéant, des mentions portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou encore faisant apparaître le comportement d'une personne physique ou morale dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. En troisième lieu, s’agissant du rapport mentionné au point 5), la commission rappelle, que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (….) ». Selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, le droit de toute personne d'accéder à des informations lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement. En l’espèce, la commission estime que le document sollicité contient des informations relatives à l'environnement, relevant par suite du champ d'application de ces dispositions. Après avoir pris connaissance du rapport demandé, elle estime qu’en dépit de son utilisation dans le cadre des différentes procédures juridictionnelles engagées par la commune, ce document est communicable en l’état. En dernier lieu, la commission comprend que les documents visés aux points 3) et 4) renvoient à l'opération d’aménagement urbain qui a donné lieu au rapport d'analyses mettant en cause l'innocuité des matériaux utilisés pour cet aménagement. La commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret commercial ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi du bordereau des prix unitaires. L'examen de l’offre d’une entreprise attributaire au regard du respect du secret en matière commerciale et industrielle conduit ainsi la commission à considérer que l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ne sont pas communicables aux tiers, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le mode de passation, notamment répétitif, du marché ou du contrat, sa nature, sa durée ou son mode d’exécution. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La commission précise enfin que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. Sous ces réserves, la commission qui a pris connaissance des documents en cause, estime que bien qu'ils soient susceptibles d'être utilisés dans un cadre juridictionnel, les contrats mentionnés aux points 3) et 4) sont communicables.