Conseil 20180916 Séance du 14/06/2018

Caractère communicable, à l'Association Biterroise Contre les Pollutions de la Station d'Epuration (ABCPSE), des documents suivants : 1) les conventions spéciales de déversements (CSD) établies entre la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée, les industriels de son territoire et la société SUEZ (précédemment LYONNAISE DES EAUX), exploitante du service d'assainissement, notamment : a) l'annexe listant les produits chimiques utilisés par les entreprises pour les besoins de leur activité et stockés sur leurs sites ; b) l'annexe présentant le plan de masse des installations industrielles et comprenant à ce titre les réseaux internes et les ouvrages spécifiques à leur activité ; 2) les arrêtés d'autorisation de rejet dans les réseaux desservant la station d'épuration et qui sont établis, dans ce cadre, par l'autorité compétente en matière de collecte à l'endroit du déversement.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 14 juin 2018 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à l'Association biterroise contre les pollutions de la station d'épuration (ABCPSE), des documents suivants : 1) les conventions spéciales de déversements (CSD) établies entre la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée, les industriels de son territoire et la société SUEZ (précédemment LYONNAISE DES EAUX), exploitante du service d'assainissement, notamment : a) l'annexe recensant les produits chimiques utilisés par les entreprises pour les besoins de leur activité et stockés sur leurs sites ; b) l'annexe présentant le plan de masse des installations industrielles et comprenant à ce titre les réseaux internes et les ouvrages spécifiques à leur activité ; 2) les arrêtés d'autorisation de rejet dans les réseaux desservant la station d'épuration. La commission rappelle, à titre liminaire, que l'article L124-2 du code de l'environnement, qui a transposé l'article 2 de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (….) ». La commission souligne, par ailleurs, qu'en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code de l’environnement, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des émissions dans l'environnement que dans le cas où sa consultation ou sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Il en résulte que les informations relatives à des émissions dans l'environnement, sont en principe communicables, quand bien même elles seraient couvertes par le secret commercial et industriel. Par deux arrêts c-673/13 et c-442/14 du 23 novembre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé la notion d’« émissions dans l’environnement ». Elle a ainsi jugé que cette notion couvre toutes les informations sur ces émissions qui sont pertinentes pour la protection de l'environnement, notamment le rejet dans l’environnement de produits ou de substances provenant d’installations industrielles (telles que les usines et les centrales), mais également les émissions résultant de la pulvérisation d’un produit, tel qu’un produit phytopharmaceutique ou biocide, dans l’air ou de son application sur les plantes, dans l’eau ou sur le sol, pour autant que ce rejet soit effectif ou prévisible dans des conditions normales ou réalistes d’utilisation du produit ou de la substance. Sont en revanche exclues de la notion d’informations relatives à des émissions dans l’environnement celles qui se rapportent à des émissions purement hypothétiques. La CJUE a précisé en outre que, s'agissant de produits phytopharmaceutiques ou biocides, la notion d’« informations ayant trait » ou « relatives à des émissions dans l’environnement » doit être interprétée comme couvrant non seulement les informations sur les émissions en tant que telles (c’est-à-dire les indications relatives à la nature, à la composition, à la quantité, à la date et au lieu de ces émissions), mais aussi les informations permettant au public de contrôler si l’évaluation des émissions effectives ou prévisibles, sur la base de laquelle l’autorité compétente a autorisé le produit ou la substance en cause, est correcte, ainsi que les données relatives aux incidences à plus ou moins long terme des émissions dans l’environnement. La CJUE estime ainsi que les informations relatives à des émissions dans l'environnement correspondent à celles qui « ont trait à des émissions dans l’environnement », c’est-à-dire à celles qui concernent ou qui sont relatives à de telles émissions, et non les informations présentant un quelconque lien, direct ou indirect, avec ces émissions. L'Association biterroise contre les pollutions de la station d'épuration vous demande en l'espèce l'accès à des informations relatives au déversement d'eaux résiduaires non domestiques par les établissements industriels, dans le réseau collectif d'assainissement de l'agglomération de Béziers, aux fins de leur traitement par la station d'épuration de cette commune. La signature des conventions entre la communauté d'agglomération, la société LYONNAISE DES EAUX et les industriels est autorisée par arrêté du président de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée et fondée notamment sur l'article L1331-10 du code de la santé publique. Ces dernières dispositions prévoient que « Tout déversement d'eaux usées autres que domestiques dans le réseau public de collecte doit être préalablement autorisé par le maire ou, lorsque la compétence en matière de collecte à l'endroit du déversement a été transférée à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte, par le président de l'établissement public ou du syndicat mixte, après avis délivré par la personne publique en charge du transport et de l'épuration des eaux usées ainsi que du traitement des boues en aval, si cette collectivité est différente./(...)/L'autorisation prévue au premier alinéa fixe notamment sa durée, les caractéristiques que doivent présenter les eaux usées pour être déversées et les conditions de surveillance du déversement./Toute modification ultérieure dans la nature ou la quantité des eaux usées déversées dans le réseau est autorisée dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa./L'autorisation peut être subordonnée à la participation de l'auteur du déversement aux dépenses d'investissement entraînées par la réception de ces eaux./Cette participation s'ajoute, le cas échéant, aux redevances mentionnées à l'article L2224-12-2 du code général des collectivités territoriales et aux sommes pouvant être dues par les intéressés au titre des articles L1331-2, L1331-3, L1331-6, L1331-7 et L1331-8 du présent code. » La commission estime que les flux concernés ont nécessairement une incidence sur l'état chimique de l'ensemble des eaux à l'issue de leur traitement, et notamment sur le respect des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux en application de l'article L212-1 du code de l'environnement, issu de la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau et qu'un droit d'accès aux informations relatives à ces flux est nécessaire pour permettre au public de raisonnablement comprendre la manière dont l'environnement est susceptible d'être affecté par ceux-ci. Dès lors, les informations contenues dans les conventions de déversement autorisées en application de l'article L1331-10 du code de la santé publique ainsi que dans leurs annexes recensant les produits chimiques utilisés par les entreprises pour les besoins de leur activité et stockés sur leurs sites, ont trait à des « émissions de substances dans l'environnement » au sens de l'article L124-5 du code de l'environnement, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que vous évoquez qu'il s'agisse de flux entrant dans la station d'épuration, et non de flux sortants. En ce qui concerne, en premier lieu, le document mentionné au a) du point 1) de la demande, la préoccupation que vous évoquez tirée du secret industriel et commercial ne peut, par suite, être utilement invoquée pour rejeter une demande d'accès à celui-ci. En tout état de cause, il résulte de la consultation par la commission de la liste des produits chimiques que vous lui avez communiquée que cette liste, par elle-même, n’apparait pas de nature à révéler les moyens techniques où les procédés mis en œuvre par ces entreprises. En ce qui concerne, en deuxième lieu, le document mentionné au point 2) de la demande, vous relevez qu'un recours dirigé contre des arrêtés d'autorisation de rejet est pendant devant le tribunal administratif, notamment celui du 2 janvier 2017, conclu avec un établissement de maintenance du matériel exploité par la SNCF, qui a seul été communiqué à la commission. Toutefois, la commission considère que les dispositions précitées du II de l’article L124-5 du code de l'environnement ne font obstacle à la communication d'informations relatives à des émissions de substances dans l'environnement, au cours d’une procédure juridictionnelle, que dans l'hypothèse où cette communication serait de nature à porter atteinte au déroulement de l'instruction, à retarder le jugement de l'affaire, à compliquer l'office du juge ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives. La seule circonstance que ces informations portent sur des faits faisant l'objet d'une procédure juridictionnelle, qu'elles aient été transmises au juge ou que leur communication serait de nature à affecter les intérêts d'une partie à la procédure, qu'il s'agisse d'une personne publique ou de tout autre personne, ne saurait légalement justifier un refus de communication sur ce fondement. En ce qui concerne, en troisième lieu, le document mentionné au b) du point 1) de la demande, soit le plan de masse des installations industrielles, qui comprend à ce titre les réseaux internes et les ouvrages spécifiques à l'activité des entreprises concernées, vous exprimez une préoccupation tirée de la sécurité publique. La commission relève que les informations contenues dans ce document ne sont pas relatives à des émissions de substances dans l'environnement au sens de l’article L124-5 du code de l'environnement, elles sont donc couvertes, le cas échéant, par le d) de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration et par le secret industriel et commercial protégé par le 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, en fonction de la sensibilité du site en cause. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commission vous conseille de communiquer les autorisations de déversement, la convention de déversement, y compris l'annexe recensant les produits chimiques, qui sont des documents administratifs auxquels peut accéder toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration et des articles L124-1 à L124-8 du code de l'environnement. En revanche, la commission considère que le d) de l'article L311-5 et le 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication des annexes de la convention de déversement présentant le plan de masse des installations industrielles.