Avis 20180376 Séance du 31/05/2018

Publication en ligne des documents suivants concernant les modèles iAGS, emod et ThreeME : 1) les codes sources ; 2) toutes les pièces y afférentes, comprenant notamment : a) la documentation ; b) les calibrations ; c) les scénarios prospectifs simulés ; d) les évaluations de réformes ex ante et ex post.
Monsieur X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 janvier 2018, à la suite du refus opposé par le président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à sa demande de publication en ligne des documents suivants concernant les modèles iAGS, emod et ThreeME : 1) les codes sources ; 2) toutes les pièces y afférentes, comprenant notamment : a) la documentation ; b) les calibrations ; c) les scénarios prospectifs simulés ; d) les évaluations de réformes ex ante et ex post. La commission rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (...), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ». Selon l'article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande. (...) ». La commission précise également que le Conseil d'État, dans sa décision CE n° 264541, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission. En l'espèce, la commission relève que l’Observatoire français des conjonctures économiques a été créé en 1981 par une convention entre l’État et la Fédération nationale de sciences politiques, approuvée par décret. Il s’agit d’un organisme, qui n’a pas la personnalité morale, chargé d’étudier scientifiquement et en toute indépendance la conjoncture de l’économie française, ses structures et son environnement extérieur, notamment européen, d’effectuer des comparaisons avec les économies étrangères, de formuler, dans la mesure où il l’estimera possible, des prévisions économiques, à court, moyen et long terme. Il est hébergé par l’Institut d'études politiques de Paris et dispose, pour fonctionner, des services que la Fédération nationale des sciences politiques met à sa disposition, ainsi que de personnels scientifiques, de chargés d'études, et de personnels administratifs et techniques relevant de la FNSP, de l'lEP de Paris ou des unités de recherche auxquelles l'lEP est partie. Des fonctionnaires peuvent également y être détachés. La commission constate également que la convention, qui a été reconduite le 4 mai 2017, précise que l’État verse à la FNSP, « afin de financer la mission d'intérêt général dont il est chargé » une subvention affectée à I'OFCE qui fait l'objet d'un compte particulier dans la comptabilité de la FNSP, qui comprend une contribution correspondant aux frais de fonctionnement exposés par la FNSP et l'lEP de Paris. La commission retient, enfin, que, la gouvernance de l’observatoire est assurée par un président, qui assure la direction générale de l’observatoire, nommé par le président de la FNSP et le directeur de l'lEP de Paris, après avis du conseil de l'OFCE et après en avoir informé le Premier ministre. Le conseil de l’observatoire est composé du Gouverneur de la Banque de France ou son représentant, du Commissaire Général de France Stratégie ou son représentant, du directeur général du Trésor ou son représentant, du directeur général de l'INSEE ou son représentant, du titulaire de la Chaire de sciences économiques du Collège de France, du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ou son représentant et de six personnalités qualifiées désignées par le président de la FNSP et le directeur de l'lEP. La commission estime, au regard des conditions de création et de fonctionnement de l’observatoire, qu'il doit être regardé comme une autorité administrative au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. En second lieu, la commission souligne que dans son avis n° 20144578 du 8 janvier 2015, relatif au code source du logiciel simulant le calcul de l'impôt sur les revenus des personnes physiques développé par la direction générale des impôts, elle a estimé, après avoir rappelé qu’un code source est un programme informatique contenant les instructions devant être exécutées par un micro-processeur, que les fichiers informatiques constituant les modèles sollicités en l’espèce, produits par l’administration dans le cadre de sa mission de service public, revêtaient le caractère de documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle a fait de même dans son avis n° 20161990 du 23 juin 2016 relatif à l’algorithme développé par le ministère de l’éducation nationale connu sous le nom d’admission post bac dit « APB » et dans un avis n° 20180276, estimé que le modèle « Saphir », modèle de simulation qui décrit les revenus des ménages de France métropolitaine et les transferts monétaires induits par les prestations sociales et les prélèvements obligatoires, le modèle « Mésange », modèle macro-économétrique développé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction générale du trésor afin de réaliser des évaluations de l’impact de différentes mesures de politique économique sur l’emploi, le produit intérieur brut ou les prix et le modèle « Opale », modèle utilisé pour prévoir les principales variables macroéconomiques sur une ou deux années, développés par le ministre de l'économie et des finances constituaient des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande et publiables en ligne. En l'espèce, le président de l'OFCE a informé la commission que l'organisme ne détenait pas les droits d'auteur sur les codes sources concernés et qu'en conséquence, il ne pouvait communiquer les documents sollicités. La commission relève que la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) a été instituée par l’ordonnance n° 45-2284 du 9 octobre 1945, dont les dispositions principales sont devenues les articles L621-2, L758-1 et L758-2 du code de l’éducation dont l'objet est de « favoriser le progrès et la diffusion, en France et à l'étranger, des sciences politiques, économiques et sociales » (article L621-2). Il s'agit d'une fondation de droit privé reconnue d’utilité publique. L’Institut d’études politiques (IEP) a été créé par décret du 9 octobre 1945 comme une entité de l’Université de Paris et est depuis 1985 un « grand établissement », au sens de l’article L717-1 du code de l’éducation, donc un établissement public. La commission souligne qu'il résulte des statuts respectifs de ces deux entités qui sont repris dans le code de l’éducation, que « la Fondation assure la gestion administrative et financière de l’Institut d’études politiques de Paris. Elle fixe notamment les moyens de fonctionnement de l’institut et les droits de scolarité pour les diplômes propres à l’institut ». Il résulte de cette organisation particulière, selon les informations qui ont été communiquées à la commission, que les chercheurs qui ont développé les documents sollicités sont des contractuels de droit privé, employés par la FNSP pour l'OFCE, qui sont régis par le code du travail et les conventions collectives de la FNSP. La commission rappelle que l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration, qui reprend l'ancien article 9 de la loi du 17 juillet 1978 complété par la loi pour une République numérique, dispose que : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. » Si la commission considérait traditionnellement que l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978 n'avait ni pour objet, ni pour effet d'empêcher ou de restreindre la communication, mais se bornait, en rappelant les règles posées par le code de la propriété intellectuelle qui autorise l'usage privé d'une œuvre de l'esprit mais réprime l'utilisation collective qui pourrait en être faite, à limiter l'usage ultérieur que le demandeur, après communication, voudrait faire des documents, le Conseil d'État a toutefois jugé, dans une décision du 8 novembre 2017 n° 375704 au recueil, que l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978, désormais repris à l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration, implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits de propriété intellectuelle n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation, au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur. Il en résulte que lorsqu'un tiers détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration (par exemple, les rapports d'un cabinet d'études figurant dans un dossier de demande d'autorisation de création d'une carrière, ou encore les plans d'un architecte dans un dossier de demande de permis de construire), cette dernière doit solliciter son autorisation avant de procéder à la communication du document, ainsi qu'il ressort de l'avis n° 20180226, rendu par la commission dans sa séance du 17 mai 2018. Si la commission a considéré, dans ce même avis, que l'article L121-7-1 du code de la propriété intellectuelle permettait à l'administration de ne pas requérir l'autorisation préalable d’un agent public titulaire de droits de propriété intellectuelle, ou le cas échéant de ses ayants droit, avant de procéder à la communication ou à la publication du document, la commission constate qu’en l’espèce, les dispositions de cet article ne sont pas applicables dès lors qu’elles renvoient aux dispositions de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle qui ne mentionne que les agents de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public à caractère administratif, d'une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France. La commission en déduit que les droits de propriété intellectuelle font obstacle à la demande de communication dont elle est saisie. Elle émet dès lors un avis défavorable. Elle le déplore toutefois eu égard aux missions de l'OFCE et à ses conditions de financement et de fonctionnement et à l‘intérêt général qui s’attacherait à la publication des codes sources sollicités et de leur documentation. Elle estime que cette situation n’est que la conséquence de l’organisation particulière de la Fondation nationale de sciences politiques que l’indépendance de l’OFCE ne saurait en elle-même justifier pour des projets qui ont été développés sur fonds publics. Elle invite en conséquence la FNSP à réfléchir aux conditions dans lesquelles les modèles sollicités pourraient être rendus publics et à envisager, pour l’avenir, les dispositions contractuelles nécessaires à ce que les projets développés par les chercheurs affectés à l’OFCE sur fonds publics soient rendus publics sans que les droits de propriété intellectuelle puissent y faire obstacle.