Conseil 20172971 Séance du 14/09/2017

Caractère communicable à une éducatrice spécialisée au SIE (service d'investigation éducative) du dossier d'une fratrie pour laquelle une MJIE (mesure judiciaire d’investigations éducatives) est actuellement en cours, sachant que cette fratrie a déjà connu plusieurs décisions judiciaires -connaissance de la dernière AEMO (action éducative en milieu ouvert) et AED (action éducative à domicile)- et qu'un placement en maison territoriale a eu lieu il y a quelques années.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 14 septembre 2017 votre demande de conseil relative au caractère communicable à une éducatrice spécialisée au service d'investigation éducative (SIE) du dossier d'une fratrie pour laquelle une mesure judiciaire d’investigations éducatives est actuellement en cours, sachant que cette fratrie a déjà fait l'objet de plusieurs décisions judiciaires (action éducative en milieu ouvert, action éducative à domicile, placement en maison territoriale). La commission rappelle, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui relève de sa compétence en application du 22° du A de l'article L342-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et sans préjudice de l'article L114-8 du même code, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L. 300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. / Les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute administration mentionnée audit premier alinéa de l'article L. 300-2 qui le souhaite à des fins d'accomplissement de missions de service public autres que celle pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. (...) ». Le premier alinéa de l'article L300-2 de ce code vise l’État, les collectivités territoriales ainsi que les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une mission de service public. La commission rappelle, d'autre part, que le Conseil d’État, dans sa décision CE, Sect. , 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés n° 264541, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission. En l'espèce, la commission relève que le service d'investigation éducative est une association reconnue d'utilité publique, habilitée à exercer les mesures judiciaires d’investigation éducative (MJIE). Créées par l'arrêté du 2 février 2011, les MJIE sont ordonnées par les magistrats de la jeunesse ou les juges d’instruction dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative pour les mineurs en danger prévue à l’article 375 et suivants du code civil ou, en matière pénale, dans le cadre de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Les MJIE doivent permettre au juge des enfants de mieux cerner la personnalité, le parcours et l'environnement d'un jeune dont il examine le cas. Son objectif est de recueillir des éléments d’information sur la situation du mineur et de son entourage, sur le sens des actes qu’il pose ou qu’il subit, pour permettre au juge de vérifier si les conditions d’une intervention judiciaire sont réunies, et de proposer, si nécessaire, des réponses en termes de protection et d’éducation adaptées à la situation des intéressés.  Il ressort de la circulaire d’orientation du 31 décembre 2010 relative aux MJIE que les services chargés de leur mise en œuvre sont chargés de rassembler les éléments du parcours antérieur du mineur et les éventuelles réponses sociales, administratives et judiciaires apportées dans le passé, afin de proposer au juge des réponses éducatives et de protection. En vertu de l'article 3 de l'arrêté du 2 février 2011, la MJIE peut être mise en œuvre par les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. Les services gérés par le secteur associatif peuvent également être autorisés et habilités à mettre en œuvre cette mesure. La commission déduit de ce qui précède que le service d'investigation éducative doit être regardé comme une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. La commission en conclut que le SIE peut se prévaloir des dispositions du I de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour obtenir la communication de documents administratifs détenus par une autre administration. Toutefois, la commission rappelle que ce droit d'accès ne s'exerce que sous réserve des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La commission en déduit que dès lors que le SIE ne peut être qualifié de personne intéressée au sens du premier alinéa de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, les informations sollicitées ne pourraient lui être communiquées qu’après occultation des mentions couvertes par le secret de la vie privée, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique ou faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, de sorte que ces occultations priveraient de tout intérêt la communication du dossier en cause. La commission émet donc, dans ces conditions, un avis défavorable à la demande. Elle précise toutefois qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit de transmission des informations nécessaires à la mise en œuvre de leur mission que les services chargés de la mise en œuvre de la MJIE tirent nécessairement de la décision judiciaire par laquelle le magistrat ordonne cette mesure dans le cadre des procédures en assistance éducative et dans le cadre de l'enfance délinquante.