Conseil 20171437 Séance du 24/05/2017

Caractère communicable et qualification juridique des documents de l'aide sociale à l'enfance relatifs au suivi du mineur postérieurement à la saisine du juge des enfants ou du procureur de la République.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 mai 2017 votre demande de conseil relative au caractère communicable des documents de l'aide sociale à l'enfance relatifs au suivi du mineur postérieurement à la saisine du juge des enfants ou du procureur de la République. I. Sur le caractère communicable des dossiers d’aide sociale à l’enfance La commission rappelle qu’aux termes des articles L222-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles (CASF), le président du conseil général (PCG) peut, « sans préjudice des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire », accorder des prestations d’aide sociale à l’enfance, en particulier l’aide à domicile (article L222-2 du CASF) et le « placement administratif » (article L222-4-2-2 du CASF), ce dernier ne pouvant être réalisé qu’avec l’accord des parents. Tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents est placé sous la protection du président du conseil général. Lorsqu’un mineur est en danger et que les mesures administratives n’ont pas permis de remédier à la situation, ou que les parents s’opposent à ces mesures (en particulier au placement), le PCG doit, en vertu de l’article L226-4 du CASF, en aviser sans délai le procureur de la République. Ce dernier peut, en cas d’urgence, ordonner le placement provisoire de l’enfant et doit alors saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours (article 375-5 du code civil). Parallèlement, le juge des enfants peut être saisi par les parents ou les services d’aide sociale à l’enfance, voire se saisir d’office à titre exceptionnel, et ordonner des mesures d’assistante éducative (article 375 du code civil). La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. L’article 375-6 du code civil permet au juge des enfants, à tout moment, de modifier ou de rapporter ses décisions d’office ou à la requête d’un tiers intéressé. Durant toute la durée du placement judiciaire, le mineur est placé sous la protection conjointe du PCG et du juge des enfants (article L227-2 du CASF). La commission considère que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées : 1. L’ensemble des pièces qui composent le dossier détenu par les services d’aide sociale à l’enfance avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, en application des dispositions mentionnées ci-dessus, revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. 2. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est donc pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. 3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le PCG et les parents du mineur ou les accueillants familiaux… Les documents qui, en application de ces règles, revêtent un caractère administratif sont communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Doivent ainsi être soustraits à la communication ou occultés les documents et mentions faisant apparaître le comportement de tierces personnes (en particulier le ou les mineurs concernés) et dont la divulgation pourrait leur porter préjudice (plaintes, dénonciations…), en application de l’article L311-6 de ce code. II. Sur les pièces relatives aux procédures engagées auprès du procureur de la République La commission considère, de manière générale, que l’ensemble des documents élaborés pour les besoins et dans le cadre d’une telle procédure, y compris le courrier par lequel l’administration dénonce, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, constituent des pièces relevant de l’autorité judiciaire et sont, comme tels, soustraits au droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. III. Sur le caractère communicable des dossiers administratifs des accueillants familiaux La commission considère que ces dossiers, qui comportent des pièces nécessaires à la gestion de l’agrément dont les accueillants familiaux doivent bénéficier pour prendre en charge des mineurs, contiennent en principe des documents administratifs communicables aux intéressés (i.e. les accueillants familiaux) dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Cependant, dans le cas où des pièces de nature judiciaire, telles que celles qui ont été précédemment citées, sont versées dans le dossier administratif des accueillants familiaux, la commission estime qu’elles n’acquièrent pas de ce seul fait un caractère administratif, par dérogation au principe de l’unité du dossier administratif. Ce principe, qui conduit à regarder des pièces normalement exclues du champ du livre III du code des relations entre le public et l’administration comme des documents administratifs, n’a en effet vocation à jouer que lorsque ces pièces servent ou ont servi de support à une décision administrative déterminée. La commission précise enfin que, si l’accueillant familial à l’encontre duquel une procédure de retrait d’agrément est engagée est en droit de consulter son dossier administratif en vertu de l’article R421-23 du code de l’action sociale et des familles, aucune disposition de ce code ou du livre III du code des relations entre le public et l’administration ne lui a conféré compétence pour interpréter ce texte. Compte tenu de l'ensemble de ce qui vient d'être dit, en particulier au 3. du I, la commission estime que les documents relatifs au suivi du mineur établis par vos services de l'aide sociale à l'enfance dans le cadre du mandat judiciaire qui vous a été confié ne constituent pas des documents administratifs relevant du régime du livre III du code des relations entre le public et l’administration et ne sont donc pas communicables.