Avis 20171429 Séance du 24/05/2017

Communication de l'intégralité de son dossier administratif personnel détenu par l'Aide sociale à l'enfance ainsi que ceux de ses enfants X, née le X à X et X, né le X à X à l'égard desquels elle n'est pas privée de l'autorité parentale.
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 avril 2017, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de la Vienne à sa demande de communication de l'intégralité de son dossier administratif personnel détenu par l'aide sociale à l'enfance ainsi que ceux de ses enfants X et X, nés le X à X, à l'égard desquels elle n'est pas privée de l'autorité parentale. En préambule, la commission rappelle les principes suivants : I. Sur le caractère communicable des dossiers d’aide sociale à l’enfance Aux termes des articles L222-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles (CASF), le président du conseil général peut, « sans préjudice des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire », accorder des prestations d’aide sociale à l’enfance, en particulier l’aide à domicile (article L222-2 du CASF) et le « placement administratif » (art. L222-4-2-2 du CASF), ce dernier ne pouvant être réalisé qu’avec l’accord des parents. Tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents est placé sous la protection du président du conseil général. Lorsqu’un mineur est en danger et que les mesures administratives n’ont pas permis de remédier à la situation, ou que les parents s’opposent à ces mesures (en particulier au placement), le président du conseil général doit, en vertu de l’article L226-4 du CASF, en aviser sans délai le procureur de la République. Ce dernier peut, en cas d’urgence, ordonner le placement provisoire de l’enfant et doit alors saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours (article 375-5 du code civil). Parallèlement, le juge des enfants peut être saisi par les parents ou les services d’aide sociale à l’enfance, voire se saisir d’office à titre exceptionnel, et ordonner des mesures d’assistante éducative (article 375 du code civil). La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. L’article 375-6 du code civil permet au juge des enfants, à tout moment, de modifier ou de rapporter ses décisions d’office ou à la requête d’un tiers intéressé. Durant toute la durée du placement judiciaire, le mineur est placé sous la protection conjointe du président du conseil général et du juge des enfants (article L227-2 du CASF). La commission considère que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées : 1. L’ensemble des pièces qui composent le dossier détenu par les services d’aide sociale à l’enfance avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé en application des dispositions mentionnées ci-dessus revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. 2. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est donc pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. 3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux… Les documents qui, en application de ces règles, revêtent un caractère administratif sont communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Doivent ainsi être soustraits à la communication ou occultés les documents et mentions faisant apparaître le comportement de tierces personnes (en particulier le ou les mineurs concernés) et dont la divulgation pourrait leur porter préjudice (plaintes, dénonciations…), en application de l’article L311-6 de ce code. II. Sur les pièces relatives aux procédures engagées auprès du procureur de la République La commission considère de manière générale que l’ensemble des documents élaborés pour les besoins et dans le cadre d’une telle procédure, y compris le courrier par lequel l’administration dénonce, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, constituent des pièces relevant de l’autorité judiciaire et sont, comme tels, soustraits au droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. III. Sur les pièces détenues par la cellule de recueil d'informations préoccupantes La commission rappelle que la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, établie en application de l’article L226-3 du code de l’action sociale et des familles, a pour objet de recueillir, traiter et évaluer ces informations, à tout moment et quelle qu’en soit l’origine, et que revêtent un caractère administratif les documents détenus par l’administration et qui, par leur nature, leur objet ou leur utilisation, se rattachent à l’exécution d’une activité de service public. Elle en déduit que les fiches de recueil d’informations préoccupantes établies au sein de cette cellule constituent bien des documents administratifs. La commission rappelle qu'en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents dont la communication porterait atteinte à la vie privée, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Elle considère que, sur ce fondement, les documents tels que les lettres de signalement ou de dénonciation, dès lors que leur auteur est identifiable, adressés à une administration, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le signalement ou la dénonciation en question. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant, en particulier, n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent. La commission observe également qu’en vertu de l'article L311-5 du même code, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi. La commission considère que le secret professionnel auquel est tenue, par l’article L221-6 du code de l’action sociale et des familles, toute personne participant aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance, sous les réserves prévues par cet article et par les articles L221-3, L226-2-1 et L226-2-2 du même code, est au nombre des secrets protégés par la loi. La commission en déduit que lorsque ce signalement est le fait d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, les informations que le document contient sont couvertes par le secret professionnel des personnes participant aux missions du service public de l’aide sociale à l’enfance et ne peuvent être divulguées. En l'espèce, en application de ces principes et sans avoir pu prendre connaissance des dossiers sollicités, la commission constate en premier lieu qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur les documents élaborés pour les besoins et dans le cadre de la procédure de placement engagée auprès du procureur de la République puis du juge, tels l’ordonnance de placement provisoire en date du 11 février 2014, les notes, rapports et expertises qui auraient été élaborés à la demande du magistrat en charge de la procédure de placement ou le courrier de signalement d’informations préoccupantes auprès du procureur de la République. Pour le surplus, le président du conseil départemental de la Vienne a informé la commission que les autres documents, qui n’ont pas été établis pour les besoins ou dans le cadre d’une procédure judiciaire, ont été communiqués à Madame X par courrier du 19 mai 2017. La commission ne peut dès lors que déclarer sans objet la demande d'avis dans cette mesure.