Conseil 20160797 Séance du 14/04/2016

Dans le cadre de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de « modernisation de notre système de santé », qui a élargi le champs des bénéficiaires du droit d’accès au dossier médical d’un défunt pour les concubins, plusieurs difficultés sont posées : 1) la preuve du concubinage : 1-1) en présence d’un certificat de concubinage ou de déclaration sur l’honneur de vie commune établis préalablement au décès, le personnel hospitalier doit-il présumer que la qualité du concubin est prouvée, qu’en est-il d’un document établi de manière ancienne ; 1-2) en l’absence d’un certificat de concubinage ou de déclaration sur l’honneur de vie commune établis préalablement au décès, le concubin survivant peut-il encore apporter la preuve de sa qualité, et dans ce cas sur quels principes et dans quelles conditions le personnel hospitalier doit-il apprécier non seulement la réalité de la communauté de vie, mais également sa continuité et sa stabilité, et sur quelles preuves : factures, courriers, photographies… 2) la hiérarchie des ayants droit : faut-il retenir l’éventualité d’une hiérarchie entre les ayants droit, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité et le concubin et dans quel rang, notamment dans les situations suivantes : 2-1) celle d’un défunt marié, séparé de son conjoint mais non divorcé, et vivant en concubinage : quelle articulation entre les droits du conjoint et ceux du concubin ; 2-2 ) celle d’un couple vivant en concubinage et ayant des enfants ensemble ou issus d’un précédent ménage, quelle articulation entre les droits des héritiers et ceux du concubin.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 14 avril 2016 votre demande de conseil relative aux modalités d’application du troisième alinéa du V de l’article L1110-4 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et, en particulier, aux pièces devant être produites par les concubins pour apporter la preuve de cette qualité ainsi qu’à l’existence d’une hiérarchie à retenir, pour la communication des documents sollicités, entre les ayants droit. Aux termes du V de l’article L1110-4 du code de la santé publique, dans sa version issue de l'article 96 de la loi du 26 janvier 2016 : « (…) Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (…) ». La commission rappelle à titre liminaire qu’aux termes de l’article 515-8 du code civil, « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Elle relève que, tel qu’interprété par la jurisprudence, cet article soumet la reconnaissance de l’état de concubinage, à la triple condition, premièrement, que la vie commune ait une certaine stabilité imitée du mariage (CA Montpellier 8 juin 1982 : D. 1983. 607 ; CA Douai, 7 juill. 1998: JCP 1998), deuxièmement, qu’elle soit notoire c’est-à-dire connue des tiers et, troisièmement, qu’elle repose sur une mise en commun même partielle de moyens matériels (Cass. civ. 1ère, 28 février 2006). S’agissant, en premier lieu, de l’existence d’une hiérarchie à retenir entre les ayants droit, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité et le concubin pour la communication d’informations médicales, la commission relève que si l’article 734 du code civil prévoit un ordre de succession entre les différentes catégories de parents, par degré d’intimité, ces dispositions n’impliquent pas l’existence d’un tel ordre pour la communication des éléments du dossier médical du patient décédé, qui peut être effectuée simultanément à l’ensemble des personnes visées à l’article L1110-4 du code de la santé publique. S’agissant, en second lieu, des éléments permettant d’apporter la preuve du concubinage, la commission rappelle que, dès lors que l’article 730 du code civil dispose que la preuve de la qualité d’héritier s’établit par tous moyens, elle a considéré dans son conseil 20121675 du 5 avril 2012 que la qualité d’ayant droit pouvait elle-même s’établir par tous moyens pour l’application des dispositions de l’article L1110-4 du code de la santé publique. La commission estime ainsi que, s’agissant de l’application des mêmes dispositions, la preuve de la qualité de concubin doit également pouvoir être apportée par tous moyens par l’intéressé, c'est-à-dire par production de toute pièce – certificat de concubinage s’il en existe mais également bail commun, factures, courriers, photographies, témoignages écrits ou autres - permettant d’attester de la vie commune, de sa stabilité, de son caractère notoire et de la mise en commun même partielle de moyens matériels. Saisie d’une demande sur ce fondement par le concubin du patient décédé, il revient également à l’autorité détenant le dossier médical d’apprécier la nécessité d’éventuelles pièces complémentaires.