Avis 20143989 Séance du 13/11/2014

Consultation du dossier de placement de son fils X X-X, né le 10 avril 2010.
Madame X X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 octobre 2014, à la suite du refus opposé par le président du conseil de Paris à sa demande de consultation du dossier de placement de son fils X X-X, né le 10 avril 2010. La commission rappelle qu’aux termes des articles L222-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles (CASF), le président du conseil général peut, « sans préjudice des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire », accorder des prestations d’aide sociale à l’enfance, en particulier l’aide à domicile (article L222-2 du CASF) et le « placement administratif » (art. L222-4-2-2 du CASF), ce dernier ne pouvant être réalisé qu’avec l’accord des parents. Tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents est placé sous la protection du président du conseil général. Lorsqu’un mineur est en danger et que les mesures administratives n’ont pas permis de remédier à la situation, ou que les parents s’opposent à ces mesures (en particulier au placement), le président du conseil général doit, en vertu de l’article L226-4 du CASF, en aviser sans délai le procureur de la République. Ce dernier peut, en cas d’urgence, ordonner le placement provisoire de l’enfant et doit alors saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours (article 375-5 du code civil). Parallèlement, le juge des enfants peut être saisi par les parents ou les services d’aide sociale à l’enfance, voire se saisir d’office à titre exceptionnel, et ordonner des mesures d’assistante éducative (article 375 du code civil). La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. L’article 375-6 du code civil permet au juge des enfants, à tout moment, de modifier ou de rapporter ses décisions d’office ou à la requête d’un tiers intéressé. Durant toute la durée du placement judiciaire, le mineur est placé sous la protection conjointe du président du conseil général et du juge des enfants (article L227-2 du CASF). La commission considère que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées : L’ensemble des pièces qui composent le dossier détenu par les services d’aide sociale à l’enfance avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé en application des dispositions mentionnées ci-dessus revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application de la loi du 17 juillet 1978. La commission n’est donc pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi, notamment, des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux. Les documents qui, en application de ces règles, revêtent un caractère administratif sont communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi du 17 juillet 1978. Doivent ainsi être soustraits à la communication ou occultés les documents et mentions faisant apparaître le comportement de tierces personnes (en particulier le ou les mineurs concernés) et dont la divulgation pourrait leur porter préjudice (plaintes, dénonciations…), en application du II de l’article 6 de cette loi. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil de Paris a informé la commission que les documents constituant le dossier sollicité sont ceux de la mesure de placement ordonnée par le juge des enfants. Au regard de cette réponse, la commission n'a toutefois pas pu s'assurer que les documents sollicités revêtent bien tous un caractère judiciaire. La commission estime donc qu'en application des principes qui précèdent, il y a lieu de distinguer entre les documents élaborés à l'intention de l'autorité judiciaire, qui ne revêtent pas de caractère administratif, et sur la communication desquels la commission est incompétente pour se prononcer, des autres documents élaborés par les autorités administratives qui, même s'ils ont été transmis au juge pour information, conservent un caractère administratif. La commission émet donc un avis favorable à la communication, s'ils existent, des documents, qui, bien que transmis à l'autorité judiciaire, n'avaient pas été élaborés en vue de cette transmission, sous réserve de la disjonction des pièces ou de l'occultation des mentions qui révèleraient de la part de personnes physiques nommément désignées ou facilement identifiables, autres que Madame X elle-même, un comportement dont la divulgation leur porterait préjudice ainsi que des mentions dont la communication porterait atteinte au secret professionnel garanti par l'article L221-6 du code de l'action sociale et des familles. La commission se déclare en revanche incompétente pour se prononcer sur la communication des pièces qui présentent effectivement un caractère judiciaire.